Le PSMV va donc devenir la feuille de route des prochaines années pour les propriétaires, les services publics, l’État, pour un secteur bien défini dans l’espace, que l’on pourrait qualifier de « cœur historique » de Nantes. Sans entrer dans le détail de ce document complexe, une première remarque s’impose pour l’historien : le périmètre de ce secteur protégé est-il pertinent ? Dans cette dernière version, il reste exactement le même qu’à l’origine, il y a plus de trente ans. En 1983, compte-tenu du manifeste désintérêt des édiles pour leur ville dont l’état n’était guère engageant, on pouvait considérer comme une victoire l’approbation du tracé du secteur sauvegardé et les mesures qui l’accompagnaient, fruit d’un combat mené depuis 1972. Mais aujourd’hui, l’agglomération s’est largement étendue et le cœur historique a évolué : des quartiers considérés autrefois comme périphériques sont devenus centraux. Sans vouloir étendre inconsidérément la zone de protection, on peut regretter que n’ait pas été retenue la question de la pertinence du premier périmètre dont plusieurs défauts apparaissaient dès le départ. Le plus frappant est sans doute le découpage de places publiques dont seule une partie est prise en considération : René-Bouhier, Bretagne, Volontaires de la Défense passive, Port-Communeau… et même la Petite Hollande. Comment imaginer avoir une politique de protection pertinente sur une partie seulement d’un ensemble ? Davantage, le périmètre du PSMV ne tient pas compte de l’évolution urbaine de la ville et laisse de côté des pans entiers de quartiers homogènes ; c’est évidemment vrai pour plusieurs zones périphériques, par exemple toute l’extension ouest du centre urbain, effectuée tout au cours du XIXe siècle à la suite du projet Graslin et jusqu’au projet Mellinet-Crucy du quartier de l’entrepôt : en est exclue toute la zone allant de Notre-Dame de Bon-Port à Gigant et qui comprend notamment le quartier Dobrée (avec le musée du même nom et le muséum d’histoire naturelle). On pourrait dire la même chose du quartier emblématique de l’ancien palais de justice, et aussi de l’autre côté des cours, dont la « ligne de démarcation » évite savamment le musée des Beaux-arts et tout ce qui se trouve à l’est. Par contre, à l’intérieur du secteur, il faut souligner – et c’est un fait nouveau – la prise en compte du patrimoine du XXe siècle, notamment de la reconstruction.
Au-delà de ces commentaires que l’on pourrait pousser plus loin, c’est la démarche de l’historien qui ne trouve pas son compte, celle de l’architecte-urbaniste non plus. La réflexion peut aussi porter sur le principe de sanctuarisation d’un territoire, au titre de la « sauvegarde » et de la « mise en valeur », en en faisant une sorte de réserve dotée de prescriptions juridiques destinées à sa bonne conservation, au-delà de laquelle ne s’applique que la règle commune. Cette règle (PLUI) n’en fait pas une zone de non-droit mais, on le constate, permet quand même la disparition de témoins architecturaux de la ville, de séquences d’immeubles voire du caractère même de certains espaces (boulevards extérieurs, anciens quartiers résidentiels, quartiers industriels…).
On ne peut qu’approuver la démarche de protection voulue par la ville pour ce qu’elle considère comme le cœur de la cité (oui au PSMV), mais on peut regretter qu’une prise en compte patrimoniale (et archéologique) large de l’agglomération ne soit pas toujours au rendez-vous. Et ce n’est pas la seule attribution des étoiles du « patrimoine nantais » sur certains édifices qui aujourd’hui corrige le tir.