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La collégiale Notre-Dame de Nantes et la chapelle Saint-Thomas

Édifice religieux majeur de la ville de Nantes sous l'Ancien Régime, la collégiale Notre-Dame a disparu du paysage monumental nantais dès les premières années du XIXe siècle. Seule partie importante conservée, la chapelle Saint-Thomas a été à son tour démolie en 1866. Des éléments sculptés de son décor intérieur, sauvés alors par la Société archéologique, sont aujourd'hui conservés par le musée Dobrée.
La collégiale Notre-Dame de Nantes

Sanctuaire marial associé par les chroniques postérieures à la figure d'Alain Barbe-Torte, auquel est attribué soit sa fondation, soit sa reconstruction au Xe siècle, la chapelle de Notre-Dame est érigée en collégiale en 1325, sous l'épiscopat de Daniel Vigier. Elle bénéficie au XVe siècle des largesses de la famille ducale qui fait reconstruire chœur, abside et flèche. Au début du siècle suivant, plusieurs personnages importants financent l'ajout de chapelles à ce nouveau chœur. En 1790, le chapitre des chanoines est dissous, la paroisse Notre-Dame supprimée et l'église fermée. Elle sert d'écurie avant d'être vendue à deux particuliers. La flèche est démolie, les combles privés d'entretien s'écroulent. En 1828, la ville fait l'acquisition de l'emplacement pour établir un marché public. Les murs de la nef et ce qui reste des voûtes sont alors démolis pour créer une nouvelle place appelée d'abord Notre-Dame, puis Dumoustier. Quelques parties de l'édifice échappent à la destruction immédiate : il s'agit du chœur, plus tard détruit à son tour lors de la construction de logements à l'est de la place, et d'une chapelle placée à son extrémité sud-est, construite à partir de 1514 par Thomas Le Roy, haut dignitaire ecclésiastique, et consacrée à son saint patron. Cette chapelle Saint-Thomas demeure jusqu'aux années 1860 le dernier vestige important de l'ancienne collégiale.

Plan de l'église royale et collégiale de Notre-Dame de Nantes, d'après Portail, revu par S. de La Nicollière, 1865 

La chapelle Saint-Thomas

La démolition de la chapelle Saint-Thomas constitue un moment dramatique mais très exemplaire dans l'histoire de l'archéologie à Nantes au XIXe siècle. Ce monument, dont la valeur historique et artistique est alors unanimement reconnue, tombe pourtant, victime d'un projet d'urbanisme, malgré une mobilisation réelle et la production de plusieurs solutions alternatives.

Prosper Mérimée signale dès 1836 la chapelle, qui sert alors de magasin pour les cercueils. Six ans plus tard, l'architecte-voyer Driollet s'inquiète des travaux projetés par le propriétaire et suggère à la municipalité d'y installer le musée historique breton alors en projet. Le conseil municipal vote la location de l'édifice pour cinq ans et prend en charge l'enlèvement de sa terrasse et la pose d'une toiture, destinée à mettre la chapelle hors d'eau. Ces premières mesures ne font que repousser de quelques années la question de la conservation du monument. Dès l'été 1849, à la fin du bail, des rumeurs de démolition inquiètent la Société archéologique. La municipalité renonce en effet à acquérir la chapelle, qui est louée à un facteur d'orgues puis à un serrurier. En 1862, le pharmacien Offret, gendre du propriétaire, adresse directement à l'Empereur une demande de secours pour une restauration, qui attire de nouveau l'attention sur la chapelle Saint-Thomas. Cette même année, S. de La Nicollière publie dans le Bulletin de la Société archéologique le début de son étude sur la collégiale : « Quelque jour, les besoins de la civilisation moderne porteront le pic et la pioche sur ces restes, qui disparaîtront pour l'élargissement d'une rue trop étroite [...]. Hâtons-nous donc, avant que tout soit effacé, de leur consacrer quelques pages. » Le projet d'aménagement de la place devant la cathédrale condamne en effet la chapelle, dont la ville fait cette fois l'acquisition. Plusieurs solutions sont tour à tour avancées pour permettre son sauvetage. Un projet de translation dans le cimetière de La Bouteillerie est écarté, jugé trop délicat et trop coûteux à réaliser. La Société des architectes propose une nouvelle disposition de la place Saint-Pierre permettant la conservation in-situ du monument. Le plan dressé par E. Boismen revoit partiellement les alignements, ce qui permet de placer deux squares symétriques, l'un abritant la chapelle et l'autre une statue d'Alain Barbe-Torte. Cet aménagement, qui suppose des modifications importantes de la future place, est repoussé par la municipalité et, en février 1865, la démolition de l'édifice commence.

Intérieur de la chapelle Saint-Thomas : Lithographie de Dauzats d'après Cambon, publiée dans les Voyages pittoresques et romantiques de l'Ancienne France. Bretagne, 1, Paris, Didot, 1845. 

La Société archéologique obtient cependant un sursis, le temps de lever quelques dessins et de faire photographier la chapelle, et se mobilise pour tenter un ultime sauvetage : elle fait publier plusieurs articles dans la presse locale et nationale et relance auprès des Monuments historiques une demande de classement déposée en 1862. En mars, Mgr Jaquemet propose à la Ville de céder l'édifice à la fabrique cathédrale pour lui redonner une destination cultuelle, en y établissant un oratoire à Françoise d'Amboise. Plus tard, quand une conservation sur site est définitivement écartée, il accepte l'idée d'une translation près de la porte Saint-Pierre, une fois terminés les travaux d'achèvement de la cathédrale. Par ailleurs, le frère Louis, directeur de l’établissement des sourds-muets, propose de récupérer les pierres de la collégiale et de la rebâtir à la Persagotière. Après examen de ces diverses propositions, le conseil municipal tranche définitivement, en août 1866, en faveur de la démolition, « la conservation sur place ayant été reconnue incompatible avec tous les projets d'agrandissement de la place [et parce qu'une] reconstruction au cimetière de la Bouteillerie ou partout ailleurs semble à peu près impraticable ». Sur la demande d'E. Boismen, les pierres sculptées de la voûte sont conservées et proposées à la Société archéologique. Lors de la démolition, exécutée entre la mi-septembre et le début du mois de novembre 1866, ces pierres sont déposées au marché de l'abattoir. Quelques années plus tard, la voûte de la chapelle saint-Thomas est restituée à l'intérieur de l'ancienne chapelle de l'Oratoire, qui sert de dépôt pour le musée archéologique, dont elle tient lieu de porche d'entrée. En 1901, l'Oratoire est récupéré par le département, qui en fait une annexe de ses archives, et un déplacement de ces éléments au palais Dobrée est envisagé, puis repoussé en raison de l'impossibilité de placer cette voûte dans les salles du manoir, dont la hauteur sous plafond est jugée insuffisante. Ces éléments sculptés de la chapelle Saint-Thomas sont enfin démontés dans les années 1980 et conservés depuis par le musée Dobrée.

Lors du colloque Nantes flamboyante tenu au château de Nantes les 24-26 novembre 2011, à la suite d'une communication de Flaminia Bardati sur la chapelle Saint-Thomas, les historiens de l'art et la Société archéologique se sont unis pour demander que la chapelle retrouve enfin sa place dans le paysage nantais.

Bibliographie indicative

Mérimée P., Notes d'un Voyage dans l'Ouest de la France, Paris, Fournier, 1836, p. 298-299.

[Rousteau H.], « Chapelle de la Collégiale », Nantes et la Loire-Inférieure : monuments anciens et modernes, sites et costumes pittoresques, Nantes, Charpentier, 1850.

« Rapport sur les Antiquités de la ville que la Société archéologique présente en décembre 1850 au maire de Nantes », Bulletin de la Société archéologique de Nantes, 1859, t. 1, p. 84-85.

Des Moulins C., « Danger qui menace la chapelle Saint-Nicolas [i. e. Saint-Thomas] de Nantes », Bulletin monumental, v. 31, 1865, p. 195-196.

La Nicollière-Teijero S. de, Église royale et collégiale de Notre-Dame de Nantes, A. Aubry, 1865 [étude publiée dans le Bulletin de la Société archéologique de Nantes de 1862 à 1864, avant d'être éditée en monographie en 1865]

Sioc'han de Kersabiec E., « Un dernier mot sur la collégiale », Bulletin de la Société archéologique de Nantes, t. 7, 1867, p. 109-114.

Joessel P., « Les surprises d’un touriste autour de l’église collégiale et royale Notre-Dame », Cahiers de l’Académie de Bretagne, 1995, p. 74-80.

Charrier L., La collégiale Notre-Dame de Nantes : étude historique et architecturale, mémoire, histoire de l'art, Nantes, 2009.

Charrier L., « La collégiale Notre-Dame de Nantes », Bulletin de la Société archéologique et historique de Nantes, t. 145, 2010, p. 81-104.

Pigeon N., « Recherches », La Lettre de Nantes Renaissance, n° 77,‎ janvier 2011, p. [3-4].

Bardati F., « Le corps à Rome, le cœur à Nantes. La chapelle Saint-Thomas et son commanditaire », Nantes flamboyante (1380-1530), Nantes, Société archéologique et historique de Nantes et de Loire-Atlantique, 2014, p. 87-96.

Images associées dans la photothèque de la Société archéologique :

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